Se lancer sur le grand chemin n’est pas une mince affaire ? A chacun sa motivation, mais avec la fin des années COVID, cela me semblait une évidence de le proposer. Erreur de jugement ?
C’était sans compter sur les éternelles interrogations prenant le pas sur l’aventure, les découvertes et la liberté.
Aurons-nous la force de marcher chaque jour, porter un sac à dos, coucher dans un dortoir etc…
La réponse à toutes ces questions, nous fut donnée, très tôt en ce matin d’avril, sous les yeux de la Vierge noire, dans la cathédrale Notre-Dame du Puy, le sol de la nef se déroba dévoilant à nos yeux ébahies, le grand escalier menant à travers la ville, vers la « Via Podiensis ».
Le grand chemin se découvrait en fin et nous n’avions qu’à le suivre. Nos pieds se firent plus légers, le sac ne pesait plus. Seule restait, la joie de quitter notre quotidien pour vivre durant deux longues semaines l’aventure humaine dont nous avions rêvée depuis si longtemps.
Et l’ascension commença ! De coquilles dorées en coquilles dorées, le chemin se déroule. Des fleurs partout en cette fin d’avril. Les fossés sentent bon la menthe, coquelicots et bleuets encadrent comme un tableau, champs de lin et de lentilles. Les gîtes des premiers jours résonnent des retrouvailles et de nos chaleureux échangent avec les pèlerins rencontrés dès la première heure du voyage. Les pots de l’amitié se succèdent, laissant la place aux modestes mais copieux repas concoctés par nos hôteliers, pèlerins dans l’âme, recherchant plus le plaisir des hôtes que la monnaie qu’ils perçoivent en retour.
Sur le chemin, les églises les plus modestes aux temps anciens, se sont ornées au fil du temps, d’absides
destinées à recevoir les reliquaires d’or, d’argent et de pierres précieuses contenant en leur sein tantôt un fragment de la croix, une étoffe, quelques épines, vestiges du temps des croisades. Souvent quelques
ossements d’illustres inconnus devenu Saints ? La piété et le renoncement aux choses vénales de la
vie faisant parfois des miracles.
A chaque jour, chaque instant, sa peine ? Les jambes lourdes, les pieds blessés, le souffle court. Notre seul recours est notre sac et les quelques remèdes qu’il contient. Signe distinctif de notre siècle, seuls nos portables rompent le silence, emportant avec eux nos belles attitudes minimalistes. Ils ne resteront pas seul jour sans communiquer, photos aux amis, à la famille, furent autant d’encouragements à mettre un
pied devant l’autre et recommencer du matin au soir et dans la bonne humeur.
Aux étapes les soirées sont courtes. Les lits, souvent sommaires nous tendent irrésistiblement les bras. Chaque matin, les sacs se refont des affaires à peine sèches de la lessive de la veille et nos corps encore endormis, soutenus par les bâtons de marche avalent des kilomètres de sentiers. Les efforts, si difficiles les premiers jours s’estompent pour devenir routine.
Aux gorges de l’Allier succéderont le Gévaudan, sans pour autant croiser la bête sur les hauts plateaux de la Margeride.
L’étonnante chapelle de Rochegude, et son à pic sur les gorges de l’Allier, la terrible montée de La Madeleine encadrée d’orgues basaltique, Saugues et ses étranges pénitents blancs mangeurs de grenouilles. Son restaurant « le Gévaudan » ou Pantagruel, lui-même eut calé pour 15€. Il nous permettra de tenir durant la longue montée vers le Villeret d’Apcher.
Jaillissant des forêts humides de la Margeride, se découvre la ferme du sauvage que l’on dit encore hantée par quelques templiers ?
Une omelette aux cèpes aux Estrets et le soleil brille de nouveau. Puis nous découvrirons les bienfaits de
l’incontournable « Aligot »avant la longue étape vers Nasbinals, ou l’unique réconfort, à l’heure du gouter, sera une petite omelette aux croutons issus d’un food-truck bien placé.
Sur cette longue étape des hauts plateaux de l’Aubrac, pluvieux et venteux. Les vaches ne seront pas maquillées pour nous accueillir, sans doute l’humidité ne fait pas bon ménage avec le rimmel.
La descente sur St Cômed’Olt, son clocher vrillé et son couvent Malet, puis avec le beau temps nous découvrons l’Aveyron et la vallée fleurie du Lot.
Espalion, Estaing, son château Giscardien et ses truites aux amandes. L’avant dernière étape sera la plus difficile, mais nous sommes en pleine forme et atteindre Golinhac ne sera qu’une formalité, tant nos jambes ont le feu et que l’abbatiale de Conques, les reliques de Sainte Foy et les vitraux noircis de lumière de P. Soulages, seront la découverte et l’apogée de cette dernière étape de notre voyage.
Retour aux biens matériels et encore une année à rêver de retrouver, les chaussures, notre sac à
dos et Conques au printemps afin de continuer notre grand voyage vers Compostelle…
by Christian Lamotte Atelier Randonnée